Cet été. Neuf places, six occupées. Au volant, Tesh, notre régisseur. À sa droite, JeanBeatles, sonorisateur. Derrière, Pascalou Colomb endormi, François Lasserre lisant un livre de planètes. Entre eux, un siège vide avec bouteille de Yop, eau et emballages de sandwich triangulaires. Derrière eux, Raphaël qui coupe des fruits sur son iphone, et moi… pareil. Nous roulons à cent-trente sur la voie du milieu. Il fait plutôt chaud. Tout va bien. On est toujours calmes quand on revient de concert. Fatigués, même. De toute façon, le moteur et le squelette branlant du minibus font un bruit tellement sourd que nous ne pouvons discuter sans hurler.
Rien donc ne trouble notre retour à la maison, jusqu'à ce que - une dizaine de kilomètres avant d'arriver au péage de St-Arnoult en Yvelines - nous entendions un bruit derrière nous. Un bruit régulier de tôle tabassée. Boing boing boing. Le bruit se rapproche bizarrement. Boing boing boing. Nous ne voyons rien car le minibus est aveugle de l'arrière, mais, après avoir regardé dans le rétroviseur extérieur, Tesh pousse cri de stupéfaction.
Tout se passe très vite. Le bruit nous double par la gauche, accompagné du hurlement du moteur d'une moto de course. Nous ne le distinguons pas précisément tant il roule vite mais nous comprenons que le pilote conduit son bolide de la main droite et tape sur la rambarde de sécurité de la main gauche. Boing boing boing. Comme s'il tapotait la glissière d'un escalier roulant. Sauf que cela se passe à 200 km/h sur l'autoroute et qu'il tabasse une rambarde en métal.
En criant, Tesh fait un écart pour le laisser passer. Raphaël avale son iphone. Le Yop et les triangles tombent. Nous crions. Le minibus fait un zigzag et retrouve son équilibre. Devant, la moto disparait rapidement à l'horizon, nous confirmant ce que nous avions cru voir. Boing boing boing...
Nous sommes tellement interloqués qu'aucun de nous six ne parvient à rompre le silence avant le péage, qui survient quelques minutes plus tard.
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Dix-huit petites croix rouges lumineuses pour seulement trois flèches vertes qui nous aiguillent vers les cabines de droite. Passé la caisse, nous remarquons un attroupement sur le parking devant le poste de gendarmerie. Nous ralentissons par curiosité et remarquons que les gendarmes ont arrêté notre motard. Il est debout à côté de sa moto, entouré de gens en uniforme et s'apprête à retirer son casque.
Nous ralentissons encore. Nous sommes à cinq mètres de lui. Il tire son casque vers le haut. Ses longs cheveux bruns retombent sur son visage. Un visage d'homme. Malgré, ou grâce à ses lunettes de soleil, nous le reconnaissons sans hésiter :
C'est Gilbert Montagné.
C'est Gilbert Montagné.