En 2008, Albin de la Simone nous ouvrait les portes de son Bungalow, un lieu qu'il a voulu aussi ouvert que celui qui l'a accueilli à Bali lors d'une retraite créative. Et même si le son de l'île n'a pas eu une influence déterminante sur sa musique, l'expérience lui a été profitable : seul face à son ordinateur portable, une guitare et deux mini-enceintes posées sur la table, Albin a pris le temps de redessiner les frontières de son univers poétique. Il n'en a pas atténué la douceur ni l'originalité, mais il a par contre raboté les portes et refait les couleurs, à l'image du rouge éclatant de la pochette. Si son auteur ne s'encombre pas des étiquettes, son troisième album est pourtant le plus pop, au sens « immédiat » du terme. Avec une légèreté inédite et un esprit ludique unique : celui qui l'a conduit à déformer sa voix pour assurer lui-même les chœurs sur la plupart des titres, à établir des rimes uniquement à base de chiffres (« Vendéen ») ou à convoquer une nouvelle galerie de personnages : l'imprévisible Adrienne, le père d'Eléonore poursuivi par la poisse (« Catastrophe »), le philosophe du tire-fesse, l'ami mythomane... Il y a dans Bungalow moins d'autobiographie que de fantaisie non distillée.
Cet espace de jeu n'allait pas rester planté là. En 2008, quand il n'était pas aux claviers du Divinidylle Tour de Vanessa Paradis, Albin l'a fait voyager. L'occasion de donner une dimension encore plus visuelle à son univers au moyen d'un décor dédié aux sœurs Barnes, deux choristes américaines qui n'ont jamais existé que dans la tête du chanteur... et qui prennent vie tous les soirs grâce à la magie d'un marionnettiste. C'est cependant une date improvisée qui remet tout en question : en se produisant au fond d'un jardin, devant un tout petit comité, dans une formule réduite à l'essentiel (des guitares acoustiques et un batteur qui tape sur ses cuisses), Albin propose un nouvel accès à ses chansons. Sans fioritures, sans mise en scène : plus direct. Et c'est la revanche de l'auteur sur l'arrangeur, celui qui n'a cesse de faire le grand écart entre des collaborations musicales (Salif Keita, Iggy Pop, Mathieu Boogaerts, Arthur H...) et des expériences télévisuelles (nombre d’émissions d'Arte réalisées par Paul Ouazan). Mine de rien, c'est une petite révolution qu'il tient à pousser jusqu'au bout en convoquant sa petite troupe (les indispensables Pascal Colomb, François Lasserre et Raphaël Chassin) ainsi qu'un public choriste au studio Ferber. Il glisse deux morceaux inédits au milieu du set et le tour est joué : dans un esprit proche de l'album Party des Beach Boys (celui qui donne l'impression d'avoir été enregistré sur une plage autour d'un feu de camp), Albin s'est mis à poil sans avoir à rougir. Bien au contraire, puisque ses tranches de vie ont gagné en moelleux.
Mais il n'y pas que sur scène que ses chansons ont continué à vivre. Car Bungalow n'avait pas respecté une règle d'or de la discographie simonienne : « un duo avec une créature de sexe féminin tu accompliras ». Prenant la relève de Feist (« Elle aime ») et de Jeanne Cherhal (« Ces mots stupides »), Vanessa Paradis rejoint le sérail albinien. Et c'est grâce à sa complicité que « Adrienne » s'incarne : réécrite et réenregistrée, elle n'est plus la même. Et kidnappe notre chanteur préféré au volant d'une voiture américaine dans un clip complice. Tant de travaux nécessitaient bien une nouvelle photographie du Bungalow, dont la façade a pour l'occasion été repeinte en bleu. D'où cette nouvelle édition revue et augmentée du duo en question et de l'enregistrement live précité (« Mellow Bungalow », un concept qui ne devrait pas déplaire aux fans de Donovan), qui donne un aperçu des dates à venir : car c'est en version « fond du jardin » qu'elles vont avoir lieu, avec juste l'électricité nécessaire pour porter la voix d'Albin jusqu'aux derniers fauteuils. Une page est tournée, une nouvelle histoire commence : C'est un Bungalow bleu / Adossé à la colline...
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